Suspects : pour alléger votre peine, dénoncez !
22 décembreJustice – Un étrange système est en train de voir le jour dans le système judiciaire sud-coréen. Le gouvernement a en effet annoncé hier la révision d’un texte de loi introduisant la négociation lors d’un plaidoyer. En d’autres termes, cela signifie qu’un suspect pourrait voir une amende ou une peine de prison allégée si celui-ci était capable de fournir aux services de police des informations clés permettant de résoudre d’autres affaires criminelles. Le Ministère de la Justice, qui est derrière cette révision, souhaite porter le nouveau texte devant l’Assemblée nationale en début d’année prochaine (janvier ou février), soit le plus tôt possible afin de la mettre en place avant la fin 2011 (début de second semestre si possible). Si cette loi venait à passer, elle permettrait aux procureurs d’enquêter de manière beaucoup plus efficace sur la corruption et le crime organisé. De manière plus détaillée, cette loi permettrait aux procureurs de réduire les motifs d’accusation envers un accusé si celui-ci coopérait avec la police dans des affaires complexes liées à la drogue, à la corruption et aux attaques terroristes, ou si celui-ci permettait d’éviter un crime ou dénonçait ses complices. Les cas sont donc bien particuliers. Cependant, quelques annexes au texte font craindre les abus chez certains experts. En effet, si des témoins refusent de se présenter aux services de police plus de deux fois dans le cas d’un crime impliquant une peine de plus de 5 ans de prison au(x) suspect(s), ceux-ci pourront être assignés dans l’affaire les concernant. Si du côté du gouvernement on espère sincèrement voir cette proposition de texte votée à l’Assemblée, il semble que ces nouvelles règles aillent à l’encontre de la Constitution sud-coréenne. Toujours dans les annexes de cette révision, les victimes d’agressions sexuelles, d’effractions au domicile, d’enlèvement ou d’accidents de la route pourront interroger directement les accusés et les témoins, et présenter leur point de vue au palais de justice, après validation du juge. Dans le même ordre d’idée, toute personne fournissant de faux témoignages durant l’interrogatoire des procureurs ou lors d’un procès recevra une peine plus sévère. Idem lors de pressions sur témoin pour un faux témoignage. Les témoignages enregistrés seront aussi valides que ceux mis sur papier. Bref, un système de dénonciation qui peut surprendre les regards étrangers mais qui n’est finalement pas si étonnant que cela en Corée du Sud. Même si nous ne pouvons aller jusqu’à une comparaison avec le Régime de Vichy, une partie des citoyens sud-coréens se plaît à collaborer avec les services de police, obtenant par ce biais certaines faveurs. Il n’est pas rare de voir celles que l’on dénomme ajumma (femmes souvent de plus de cinquante ans aux cheveux courts et bouclés) fouiller dans les sacs poubelles trainant dans les rues de manière pas réglementaires à la recherche de preuves permettant d’identifier le foyer polluant ainsi la rue. Celles-ci n’hésitent également pas à se balader dans les magasins avec des caméras cachées dans leur sac à main afin d’identifier les revendeurs de contrefaçons ou tout commerce cherchant à contourner la loi. Ces « ajumma » ne sont en aucun cas des membres des services de police. Elles sont des « citoyennes bénévoles au service de l’Etat ». Pour les hommes sans emploi, il existe toujours le moyen de se faire un peu d’argent en s’équipant d’une caméra et en se posant sur un trottoir pour filmer les véhicules empruntant les voies de bus dans le centre-ville ou bien pour détecter les effractions en termes d'excès de vitesse. La dénonciation fait partie de la culture coréenne, ce pays fortement « nationaliste » (les guillemets ont leur importance) qui pousse le peuple à supporter le gouvernement et ses décisions. Rappelez-vous en 1998 ces files de coréens devant la mairie de Séoul en train de remettre leur bijou en or pour supporter la situation économique catastrophique du pays. Souvenez-vous de l’engouement de toute la nation lors des matchs de l’équipe nationale de football. Mais pousser les suspects à dénoncer pour sauver leur peau n’est-il pas une forme de menace envers les accusés ? La récente arrestation de l’acteur Kim Sung-Min (ci-contre) pour consommation de marijuana et injection d’amphétamine et ses déclarations permettant de poursuivre une dizaine d’autres personnalités ne sont finalement peut-être qu’un début à ce genre de pratique…
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