La prostitution, un fléau qui fait des dégâts en Corée du Sud
11 maiElle avait 27 ans. Elle vivait à Pohang, l’une des villes coréennes les plus industrialisées, l’une des villes qui comportent le plus de « bar à hôtesses » dans la péninsule. Elle avait besoin d’argent et n’avait d’autres solutions que de se déshabiller devant des hommes saouls, avides d’alcools et de femmes pour oublier leur quotidien ou inviter leurs clients. Comme ses consœurs, elle ne faisait pas que servir des verres de whisky et danser langoureusement avec les clients. Les fins de soirées se terminaient souvent dans des chambres, à l’abri des regards. Dans la lettre trouvée à côté de son corps, la jeune femme indique que son suicide est tout simplement la conséquence logique d’une vie passée à être abusée par les clients et le propriétaire du bar où elle travaillait. Elle avait 27 ans et elle vient compléter la macabre liste des six autres hôtesses qui ont opté pour le suicide du côté de Pohang depuis juillet 2010.
En réponse, 63 associations ont décidé de se faire entendre auprès des procureurs afin de demander une investigation plus poussée sur les « suicidées de Pohang » et la mise en place de mesures afin de réglementer la prévalence de la prostitution en Corée du Sud. Car pour ces groupes, pour la plupart composés de femmes, il ne s’agit pas que de prostitution, mais de « sexe forcé ». Une récente investigation menée par la police a permis de mettre la main sur 101 propriétaires de bars et clubs, proxénètes, usuriers et gangsters dans la région. La station de police de Pohang a bien conclu que les suicides résultaient à de la prostitution non-voulue mais n’a pas approfondi l’enquête. Si pour la police, les femmes n’ont qu’à quitter avant que cela tourne vinaigre, ce n’est pas si simple car des contrats d’esclaves les obligent à rester dans ces lieux de débauches. Les proxénètes leur font des prêts à des taux ridiculement élevés et les obligent à payer en offrant leur corps aux clients.
Selon le bureau des statistiques coréen, ce serait une femme active sur soixante qui opérerait dans des bars, clubs, karaokés et autres « salons de massage ». Bien évidemment, les statistiques précises sur le sujet sont difficiles à compiler tant les clubs secrets se développent dans des milieux souvent haut-placé. Selon les experts, les femmes commencent à travailler dans des bars afin de gagner de l’argent facilement mais ne savent pas qu’elles vont se faire rapidement piéger et terminer dans des chambres, à la merci de clients souvent violents. Selon Yoo Gyu-jin, qui a monté une société d’assistance légale spécialisée pour ces femmes, la prostitution coréenne touche aussi bien les étudiantes, que les collégiennes et les femmes mariées, l’appât de « l’argent facile » étant bien entendu la raison première.
Afin de régler le problème de la prostitution en Corée du Sud, les associations demandent au gouvernement de procéder dans l’ordre, à savoir non pas de limiter l’offre dans un premier temps, mais de prendre le problème à la base, à savoir la demande. L’éducation des plus jeunes est donc la priorité : « Les jeunes générations doivent comprendre que la prostitution est illégale et inhumaine » clament unanimement les associations qui voient l’accès aux films pornographiques de plus en plus facile chez les adolescents. Pour Lee Na-Young, du département de sociologie de l’université de Chungang, la prostitution est avant tout un problème culturel. La longue histoire de la Corée du Sud est basée sur une culture confucianiste, où le mâle est dominant et autoritaire. La prostitution était pendant longtemps une solution pour divertir les hommes d’affaires et les politiciens. C’était par la prostitution que se passaient souvent des ententes entre personnalités de haut-niveau. Les femmes ne pouvaient que très rarement accéder à une éducation digne de ce nom et donc à des emplois considérés. Les options étaient limitées : femme au foyer qui n’avait que la parole pour réagir ou employées d’usine ou de bars.
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