Corée du Sud : le bikini de la discorde
02 févrierPolitique – Non, ce n’est pas le titre d’un prochain S.A.S. ou d’une production Dorcel. Ce titre pourrait par contre très bien illustrer la situation qui oppose le président Lee Myung-Bak et plus largement le gouvernement actuel à un groupe de quatre critiques politiques qui animent un programme radio largement répandu sur la toile et baptisé « je suis une fouine », en référence au physique du président. Dans un pays qui n’a pas l’habitude de critiquer le pouvoir (c’est aussi ce qui a conduit le pays au niveau où il se trouve aujourd’hui), cette émission, que l'on pourrait d'une certaine manière comparée au journal français Le Canard Enchaîné, est comme une bombe dans le monde politique sud-coréen depuis quelques mois, et au regard du nombre de téléchargements des podcasts, cette émission dérange les plus hautes instances.
Du coup, les attaques en justice ne se sont pas faites attendre et c’est l’animateur Chung Bong-Ju qui a subi les premières foudres du gouvernement : condamné et placé derrière les barreaux en fin d’année 2011, inculpé pour diffamation après avoir lancé de fausses rumeurs sur Lee Myung-Bak lors de la campagne présidentielle en 2007. Face à son arrestation, les soutiens n’ont pas manqué, surtout sur la toile où des forums de soutien ont été créés.
Et c’est là que ça dérape. Le 20 janvier, une jeune femme décide de charger une photo d’elle en bikini avec, inscrit sur sa poitrine « je veux que Chung sorte de prison au point de faire exploser mes seins ». Une photo qui s’en suit d’une série de nouvelles photos mises en ligne par de nombreuses jeunes femmes en sous-vêtements ou bikini avec sur leur poitrine des inscriptions du genre « Pour que Chung sorte de prison ». La toile commence à buzzer. Mais le phénomène prend une nouvelle envergure lorsque les deux des trois animateurs de l’émission, Kim Yong-Min et Choo Chin-Woo, décident de s’emparer du sujet. Le premier réagit dès le 21 janvier lors de l’émission : « Chung, qui vit aujourd’hui séparé de sa femme, prend des pilules pour calmer ses ardeurs sexuelles. Nous conseillons aux femmes de poser en maillot de bain ». Le deuxième, qui a rendu visite à Chung en prison, a posté sur son compte Twitter le texte suivant : « La photo avec la femme en bikini qui soutient Chung est incroyable ! Mais attention à ne pas saigner du nez ». Bref, deux commentaires (oraux et écrits) qui n’ont pas plu à la romancière Gong Ji-Young (ci-contre), fervent support à la libération de Chung, qui a demandé aux deux animateurs de retirer leurs interventions.
Gong n’est pas une grande fan de ce genre de photo, même si elle ne condamne pas la première photo qu’elle considère comme une idée nouvelle de rébellion. Au regard des photos postées sur la toile, elle s’est lâchée devant les médias : « la Corée du Sud est un pays de machistes, où un homme qui agresse une camarade de classe sera relâché par la justice soit parce qu’il était saoul lors des faits, que la fille était insuffisamment habillée ou que celle-ci était considérée comme une prostituée. 70% des Coréens ont déjà payé pour du sexe, il est donc naturel que le corps des femmes entre dans l’argumentaire politique des gens ».
Cette discorde vient surtout d’un certain nombre de commentaires sous les photos de femmes en bikini écrits par des hommes apparemment mentalement retardés, qui n’ont que le mot « sexe » à la bouche. A 10 mois de l’élection présidentielle et alors que les candidats pointent doucement le bout de leur nez, faire disparaitre un tel programme serait une aubaine pour le pouvoir. Mais pas sûr que la bande des trois se laissent faire par des bikinis.
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