Où va la Corée du Sud ?
20 févrierÉconomie – Depuis la crise financière asiatique de 98, la Corée du Sud est toujours surveillée de près, surtout quand de nouvelles crises internationales frappent le pays ou ses principaux partenaires. Mais à l’inverse de la fin du dernier millénaire, la Corée semble à chaque fois sortir plus forte des secousses financières. Prenez 2003 et la crise des cartes de crédit ou encore 2008 et la crise économique sous fond d’affaires Madoff. Pour la crise européenne de 2011 couplée à une fébrilité mondiale des marchés financiers, malheureusement, il est encore trop tôt pour savoir si la Corée s’en relèvera. D’autant plus que pour une fois, les journaux ne sont pas si optimistes que cela. Souvent support du gouvernement et partie intégrante de la culture coréenne qui veut que tout le monde se serre les coudes lorsque ça va mal (peuple, Etat, médias), les quotidiens se font l’écho des think tank locaux. Ces derniers revoient semaine après semaine leur prévision à la baisse, et les médias n’ont d’autres choix que de suivre cette spirale négative. Les signes d’une récession économique pointent le bout du nez, et il est désormais difficile de cacher cela à une population qui suffoque financièrement parlant.
Il suffit dans un premier temps de voir l’état des ventes de produits au niveau national. Après une croissance de 11% sur le mois de décembre, les chiffres des ventes en grands magasins (un des principaux indices de consommation) ont dégringolé à -4.2% en janvier. Sur des produits phares (habillement féminin, chaussures pour femmes), les taux de croissance n’atteignent pas le niveau de l’année dernière à la même période sur un magasin comme le Lotte. Sur l’automobile, c’est la même chose. La fin d’année s’était terminée dans l’orange avec une chute des ventes de 5.4% et l’année a débuté dans le rouge avec -19.9% (estimation du ministère de la stratégie et des finances). L’index de sentiment à la consommation continue de tomber. De 99 en décembre il est passé à 98 en ce début d’année, autrement dit un sentiment pas vraiment optimiste. Bref, une consommation morose sur fond d’inflation pourtant à la baisse, la croissance des prix étant de 3.4% sur janvier et entre pour la première fois depuis trois mois dans le segment 2-4%, un niveau ciblé par la banque de Corée.
Qu’en est-il du porte-monnaie des consommateurs ? Une combinaison explosive, à en croire les derniers chiffres publiés. Les balances de dépôts dans les cinq grandes banques sont en train de s’effondrer. Autrement dit, la population n’hésite plus à taper dans son épargne pour couvrir des dépenses de la vie quotidienne. Les banques ont enregistré une perte combinée de l’épargne individuelle de 9 558 milliards de wons entre fin décembre et fin janvier (de 779 995 milliards à 769 542 milliards). Parallèlement, les dépenses en cartes de crédit ont explosé, couvrant des achats que les Coréens ne pourraient pas normalement s’offrir. Les paiements par cartes de crédits ont pris +17.8% en 2011 comparé à 2010, soit 458 800 milliards de wons, le plus haut niveau depuis la crise du crédit en 2003… Un récent questionnaire de la banque de Corée réalisé auprès de 2 030 foyers révèle cette tendance. Parmi les foyers ayant étendu leur durée de remboursement d’emprunts ou tout simplement emprunté, un tiers (32.2%) a agi de la sorte afin de couvrir leurs frais de subsistances (18.1% ont emprunté pour entreprendre, 17.7% pour acheter une maison, 11.6% pour couvrir le loyer de leur appartement). Avec une inflation très haute l’an dernier, les foyers les plus pauvres n’ont pas eu d’autres choix que d’emprunter en masse. Une tendance supportée par les banques locales qui annoncent ce matin dans la presse leur volonté d’accroître l’accès aux emprunts de l’ordre de +5.4%, soit 25 000 milliards de wons. Ce chiffre est validé par le service de supervision financière dans le cadre du rapport de management 2012.
Le niveau de la dette national est donc encore loin du bon pan de montagne. L’institut de recherches économiques Hyundai sort ce matin un constat alarmant. Que ce soit les jeunes qui débutent et bâtissent leur famille, les parents qui n’arrivent plus à couvrir les coûts d’éducation exorbitants ou les plus vieux qui ne gagnent pas assez, l’endettement concerne chaque couche de la population. Et le plus inquiétant, les milliers de trentenaires-quarantenaires qui sont au top de leur carrière professionnelle et qui sont étranglés par des tonnes de dettes. Le think tank estime à 10.1% le nombre de « foyers pauvres », soit 1.08 millions de maisons. Le « foyer pauvre » définissant un foyer qui accorde plus de 10% de son revenu au remboursement de sa dette. Le revenu moyen de ces foyers atteint les 2,46 millions de wons par mois et dans cette catégorie, on retrouve 20% des trentenaires et 14% des quadra. Selon l’institut de recherches, 90 000 foyers des 1.08 million seront incapables de rembourser leur dette. Les Coréens commencent à s’endetter dès le plus jeune âge. Selon une enquête du ministère de la famille, l’homme dépensera pour son mariage en moyenne 80 millions de wons (55 000 euros) et la femme 30 millions (20 000 euros). Sans compter ensuite l’appartement à acheter ou à louer, le système coréen obligeant à déposer une somme conséquente pour pouvoir prendre un logement en location. Les couples de moins de trente ans avaient un portefeuille médian de 41,46 millions de wons en 2011, selon le bureau des statistiques coréen. Autrement dit, mission quasi-impossible de ne pas s’endetter dès le mariage, à moins d’avoir des parents derrière en support.
Quid des dépenses hors consommation courante, mariage et logement ? Une fois tous ces frais réglés, viennent les coûts d’éducation des progénitures. L’institut de la santé et des affaires sociales estiment à 262 millions de wons les coûts pour élever un enfant. Si l’on découpe ce chiffre étape par étape, il en coûtera 880 000 wons par mois pour un enfant de niveau élémentaire, 980 000 wons pour un enfant en collège, 1,15 million pour un lycéen et 1,42 million pour un enfant à la faculté. Les frais des écoles ont explosé tout comme les instituts privés, assez pour retirer le peu d’épargne restant dans les foyers. Selon l’institut sur le vieillissement de la Seoul National University, les baby-boomers de la génération 1955-1963 ne peuvent économiser que 170 000 wons par mois pour leur retraite. Et pour les séniors, qui n’ont plus d’enfants à élever ? L’OCDE a récemment publié un rapport révélant que 45% des citoyens de plus de 60 ans vivent dans la précarité, très très loin de la moyenne de 13.3% des pays membres de l’organisation. Selon l’institut de recherchés économiques Samsung, le niveau de pauvreté est encore plus inquiétant chez les séniors vivant seuls, touchés à hauteur de 77% (le plus haut niveau de l’OCDE). Les experts insistent pour qu’une stratégie de survie soit mise en place pour les foyers coréens. Objectif : sortir des mentalités l’obligation de s’endetter du mariage à la retraite, faire en sorte que l’endettement ne soit pas le moteur des investissements, et couper de manière forte les coûts d’éducation.
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