La Corée du Sud, un pays raciste (?)
09 novembreC'est la Commission nationale coréenne pour les droits de l'homme qui soulève la question. Enfin, en est-elle vraiment une ? D'après son rapport publié via sa revue périodique sur la situation des droits de l'homme dans le pays, et approuvée par la Convention Internationale des Nations Unies pour l'Élimination de toute forme de discrimination raciale, la Corée du Sud a un "sérieux problème de racisme" qui doit être traité par le gouvernement. En concordance avec la convention des Nations-Unies, il est ainsi demandé, via ce rapport, que le gouvernement mette en place des lois définissant de manière claire ce qu'est la discrimination raciale.
Le rapport suggère également que le gouvernement fournisse un "cadre institutionnel et légal" afin d'éviter tout racisme dans le pays. L'objectif étant bien entendu de rendre illégal et punissable tout acte raciste. La question se soulève d'autant plus aujourd'hui que cet été des mouvements de foule anti-migrants suite à l'arrivée de migrants yéménites, entrés sur le territoire sud-coréen par l'île de Jeju après un premier arrêt en Malaise. En effet, l'accès pour 30 jours sans visa sur l'île de Jeju, île du Sud du pays comptant 660 000 habitants, pour de nombreux étrangers afin de favoriser le tourisme a permis à 481 demandeurs d'asile d'entrée en Corée.
Pétition anti-migrants signée sur le site de la Maison Bleue comptant 714 875 signatures |
En réponse, une pétition lancée sur le site du palais présidentiel, la Maison Bleue, contre l'accueil des réfugiés a recueilli pas moins de 714 875 signatures (voir la pétition). Parmi les raisons de la pétition : sécurité, problèmes sociaux, crime, remise en cause du statut de réfugiés des yéménites présents à Jeju, beaucoup trop d'hommes mariés à des enfants sont présents parmi les réfugiés, etc. Et, alors que le gouvernement tarde à traiter l'accueil des réfugiés - le pays n'accepte en moyenne que 4.1% des demandes d'asile ! -, des voix à portée internationale ont commencé à se dresser face à la situation : "le soutien financier du Pape aux yéménites réfugiés en Corée du Sud", "Angelina Jolie (NDLR ambassadrice de bonne volonté du Haut Commissariat de l'Organisation des Nations Unies) presse la Corée du Sud à protéger les réfugiés yéménites"... Bref, le gouvernement ne trouve pas de solution à ce problème de racisme ambiant puisqu'il n'a accordé qu'un permis de séjour humanitaire temporaire (un an) à 339 réfugiés, 34 demandes ayant été rejetées.
Réfugiés syriens en Corée du Sud |
Aujourd'hui, près de 2,3 millions de résidents étrangers vivent en Corée du Sud, soit 4% de la population locale. 278 000 travailleurs migrants sont eux enregistrés sous visa EPS (Employment Permit System) qui leur permet de rester travailler jusqu'à 4 ans et 10 mois sur le sol coréen. Et le gouvernement avance à tous petits pas : changement de règle de visa par ci, prolongement facilité des visas pour les migrants d'Asie du Sud-est qui représente une main d'oeuvre bon marché, etc.
Mais, au regard des réactions racistes continues du pays, difficile d'imaginer la Corée s'ouvrir et compter, comme de nombreuses nations développées l'ont fait ces dernières décennies (Norvège, Suède, etc.), près de 15% de migrants sur son territoire. Dès leur naissance, les Coréens sont amenés à être fier de leur "lignée coréenne" (théorie du sang pur) et sont conditionnés dans une espèce "d'homogénéité culturelle". Il n'est pas rare de voir des cas de racismes entre enfants, de jeunes coréens traitant de "sales étrangers" et autres insultes des enfants métisses ou étrangers de leur classe. Leur histoire moderne y joue aussi pour beaucoup (mais ne les dédouane pas) : occupée pendant 35 ans au début du siècle dernier (colonie japonaise de 1910 à 1945), coupée en deux (guerre de Corée de 1950 à 1953), "occupée" par l'armée américaine jusqu'à aujourd'hui. Au 17ème siècle, afin de ne pas se faire envahir, les peuples brûlaient des terres en bordure de mer afin de faire croire aux navigateurs que leur terre était inhabitée et inhabitable. C'est de là que provient son nom : Royaume Ermite.
Seol Dong-hoon, professeur de sociologie à l'Université de Jeonbuk, estime que la perception envers les migrants changera uniquement si le peuple coréen arrive à se défaire du mythe de la théorie du sang pur. "Ce sont les gens qui vivent en Corée qui sont Coréens" signifiait-il lors d'une récente interview donnée au Hankook Ilbo, précisant à cette occasion que de 918 à 1392, lors du Royaume Goryeo, 8.4% de la population était étrangère. Aujourd'hui, la question des migrants est plutôt traitée comme une forme d'esclavage moderne, les migrants sous visa EPS ne pouvant, à terme, rester en tant qu'immigrés en Corée.
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