La révolution du sexe en Corée du Sud
23 janvierIls ont désormais pignon sur rue. Les adult-shops, ou sex-shops, appelez-les comme vous le souhaitez, qui jusqu'à encore très récemment étaient limités à de toutes minuscules échoppes, aux vitres teintées, dans des ruelles sombres de quartiers peu fréquentés de Séoul, souvent au premier étage avec des produits sous scellés et des salles de "test", sont désormais des lieux mêlant boutiques spécialisées, cafés et conseil en relations sexuelles. Le sexe en Corée du Sud a toujours été un véritable tabou. Les Vidéo Bang en sont la parfaite illustration.
Genre de cartes qui traînent dans les rues des quartiers branchés en Corée du Sud |
S'embrasser dans la rue était, jusqu'à encore il y a peu de temps, mal vu par les anciens. Et pendant très longtemps, les jeunes (nous dirons la génération 80-90) préféraient aller dans des Vidéo Bang (comprenez "salles de films") afin de s'embrasser (et souvent plus si affinité). Idem pour les motels qui se comptent par dizaines dans des rues adjacentes aux grandes artères de la ville, dès que quelques bars sont côte à côte.
Des lieux de débauches qui proposent des formules à la demi-heure. Et sans oublier les Kiss Bangs, où pour quelques dizaines de milliers de wons, les jeunes allaient "embrasser" de parfaites inconnues. Bref, le sujet a déjà été abordé sous différents angles sur ce site, mais il est important de souligner que depuis quelques mois, la société coréenne a rapidement évolué.
Et le tabou, s'il est encore très présent chez les anciennes générations, est de moins en moins visible chez les plus jeunes. Embarrassant. Dérangeant. Personnel. Culpabilité. Mal perçu. Hésitation. Autant de qualificatifs pour illustrer les rapports sexuels et le sexe en général en Corée du Sud.
Les raisons sont assez simple et tiennent généralement en un mot : le confucianisme. Une culture qui veut que l'on ne se dévoile pas, que l'on ne sort pas du rang, afin de maintenir tant que possible la stabilité du groupe. C'est aussi cela qui ralentit l'essor des communautés LGBT en Corée du Sud.
Le spécialiste japonais des produits pour adultes, Tenga, a mené récemment une enquête auprès de 18 000 personnes de 18 à 74 ans, dont 1 000 sud-coréens. Les résultats viennent de tomber : près de 14% des coréens utilisent des produits d'aide à la masturbation. Et ses 14% sont à 69% "satisfaits" de leur vie sexuelle contre 59% des personnes n'utilisant aucun produit de ce genre.
C'est bien entendu les plus jeunes qui sont les plus libérés sur le sujet : 31% des 18-34 ans souhaitent parler de ce plaisir autour d'eux, contre 23% des 35-54 ans et 21% des plus de 55 ans. Mais le processus d'achat est encore très discret. 90% avouent passer par Internet pour acheter des produits pour adultes.
Red Container est la première chaîne de sex-shops au pays du Matin clair. Son créateur, Kang Hyungil, un ancien employé de bureau, a été inspiré par un de ses amis, propriétaire d'un petit sex-shop, et qui rapportait beaucoup d'argents avec au final peu de travail.
Il a donc développé cette chaîne avec deux objectifs en tête : premièrement, créer un espace de vente de produits pour adultes où les jeunes qui aiment le sexe ne seraient embarrassés. Deuxièmement, tester le regard, l'opinion des Coréens en implantant ses boutiques dans des quartiers très fréquentés (la première boutique a ouvert ses portes à Itaewon, près de la base militaire américaine, quartier très prisé des étrangers).
Aujourd'hui, Red Container, c'est 14 magasins répartis dans tout le pays. Au début, chaque boutique rapportait pas moins de 100 millions de wons chacune. Avec la concurrence qui s'est ouverte et la base de clients qui s'est établie, elles rapportent désormais en moyenne 70 millions de wons par mois.
Du côté du quartier branché de HBC (Haebangcheon), à deux pas d'Itaewon, c'est Piooda qui fait le plein. Une petite boutique co-dirigée par Kang Hyeyoung (ci-dessous), coréenne, et Sheri Slick, américaine, conseillère et éducatrice sexuelle.
À la différence de Red Container qui attire les couples, Piooda est plus orientée sur une clientèle féminine. Et en observant les comportements des consommateurs, Kang et Slick souhaitent à terme proposer des groupes de travail avec les femmes qui se sentent encore trop souvent coupable, dérangée lorsqu'il s'agit de parler de leur corps.
Plus à l'ouest, à proximité des universités de Hongik, Yonsei et Ehwa, dans le quartier plus underground de Sangsu, on trouve également une boutique de ce genre : Girls Town. À sa tête, Eunhasun, une journaliste et auteur spécialisée sur le sexe, qui a développé sa propre gamme de produits baptisés tout simplement Eunhasun Sextoys.
Mais pourquoi tout ce changement ? Tout simplement une évolution dans la loi coréenne qui permet d'importer beaucoup plus facilement les produits destinés à une clientèle adulte. Seul souci : il manque encore beaucoup de régulations sur ses produits à proprement parler et plusieurs scandales ont déjà éclatés aux Etats-Unis (cheveux sur des produits pourtant emballés, produits chimiques dangereux, etc.).
Il faut donc que les distributeurs testent les produits afin de garantir la qualité maximale à leur clientèle. Un autre facteur : une sorte de soulèvement des femmes en Corée du Sud après les mouvements en 2018 de #MeToo, des molkas (les caméras cachés dans les toilettes pour observer les femmes) et le féminisme croissant. Est-ce que le business des adult-shops est viable à moyen-long terme ? Est-ce que les mœurs vont continuer à évoluer dans le bon sens et est-ce que les Coréens vont davantage se libérer sexuellement ? À suivre.
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RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerPuis-je savoir qui a écrit cet article puis-je prendre contact avec cette personne ?