Pollution en Corée du Sud : alerte générale !
14 janvierIl y a une expression à quatre caractères coréens (사자성어) qui résumait jusqu'à présent très bien l'hiver coréen : 삼한사온 (qui se lit sam han sa on et qui en hanja donne 三寒四溫), autrement dit "3 jours froids, 4 jours chauds". Mais une variante a vu le jour ces dernières semaines : 삼한사미 (sam han sa mi). Le on est ainsi remplacé par mi, qui est le premier caractère de poussières fines ou particules en suspension : 미세먼지 (mi se meon ji).
Bref, désormais, lorsqu'il fait doux l'hiver en Corée du Sud (entre -5 et 5 degrés Celsius), un pays où les températures avoisinent généralement au pic de l'hiver les -10 à -20 degrés Celsius, il n'y a pas de quoi se réjouir car cela signifie une forte pollution sur la péninsule coréenne. Et après quelques jours de répit lors des fêtes de fin d'année et le début 2019, ça reprend de plus belle.
Une pollution atroce recouvre Séoul et ses environs. Aujourd'hui, c'est un pic extrêmement élevé pour le quatrième jour consécutif. À l'heure où ce post est écrit, l'indice de la qualité de l'air (IQA US) est à 201 avec 151μg/m³ de particules fines PM2.5 et 174μg/m³ de PM10.
Vous vous mouchez noir ?
Vous toussez grassement ?
Ça picote dans la gorge ?
Bienvenue en Corée du Sud !
Pour rappel, les particules en suspension PM10, dites « respirables » et dont le diamètre aérodynamique est inférieur à 10 micromètres, incluent les particules fines, très fines et ultra-fines et peuvent pénétrer dans les bronches. Les particules fines PM2.5, dont le diamètre est inférieur à 2.5 micromètres, incluent les particules très fines et ultra-fines et pénètrent dans les alvéoles pulmonaires. Des particules classées cancérigènes pour l'être humain par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).Les PM2.5 sont bien entendu extrêmement dangereuses car elles traversent les voies respiratoires, pénètrent les bronches et la circulation sanguine, favorisant le cancer des poumons, les problèmes cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux. Selon une étude menée en 2017 par le ministère de l'environnement, et rendue publique par Hong Chul-ho, député membre du Liberty Korea Party, indique qu'en 2015, 12 924 personnes sont mortes à cause des particules fines. 58% d'entre elles sont décédées des suites d'un accident vasculaire cérébrale ou d'une maladie cardiaque. Dommage que les données relevées et analysées dans le cadre d'une telle conclusion sur la mortalité ne soient pas toutes les mêmes dans le monde.
Par exemple, en France, le président Emmanuel Macron estimait le 27 novembre 2018 que la pollution de l'air, "c’est 48 000 décès par an, c’est plus que tous les accidents de la route, tous les suicides, tous les meurtres, toutes les noyades, tous les accidents domestiques réunis". Un chiffre qui peut paraître énorme, et qui est basé sur un intervalle de confiance de 17 527 à 74 426, autrement dit que la valeur réelle exacte a 95% de chances de se trouver dans cette fourchette (plus d'infos sur le Bulletin épidémiologique hebdomadaire).
L'Organisation mondiale pour la santé (OMS) recommande par exemple une exposition aux particules PM10 inférieure à un niveau de 50, à ne pas dépasser plus de trois jours par an, et une exposition aux particules PM2.5 inférieure à un niveau de 25, à ne pas dépasser plus de 3 jours par an également. Autant dire que c'est raté pour Séoul cette année... et nous ne sommes que le 14 janvier. En Corée du Sud, le problème inquiète de plus en plus.
Qui est responsable ?
Les mamans en ont marre : "En Corée du Sud, il est difficile de sortir de chez nous en hiver. Soit il fait trop froid, soit c'est trop pollué". Qui plus est quand on a des enfants. "Même pour trouver des lieux fermés où l'on peut passer un moment agréable en famille, ça devient compliqué." assure un père de famille. Dans un parc de loisir en intérieur à Yeouido, au cœur de la capitale, il fallait faire une queue d'une heure pour pouvoir entrer ce dimanche après-midi.Mais les mesures sont compliquées à mettre en place : arrêter définitivement les centrales à charbon et réduire l'utilisation du nucléaire alors que le besoin en électricité est extrêmement fort dans la péninsule ? Réduire l'utilisation des véhicules en centre-ville les jours de forte pollution alors que la moitié de la population coréenne vit dans la capitale et sa banlieue ? Faciliter la mise en place des emplois à distance ? Favoriser le partage de véhicules ? Qui est responsable ?
La récente vague de pollution est favorisée par des vents froids du nord facilitant l'arrivée de vents chauds en provenance de Chine. La semaine dernière, le maire de Séoul, Park Won-soon, est entré en conflit direct avec Pékin qui déclarait le 28 décembre dernier, par la voix de Liu Youbin, porte-parole du ministère de l'écologie et de l'environnement chinois, que la Chine avait amélioré son problème de pollution au fil des années grâce à des mesures réglementaires, tandis que l'air en Corée s'était détériorée sur la même période.
Park affirme détenir des rapports menés par des instituts de recherche au niveau municipal et national concluant que 50 à 60% de la pollution coréenne provient directement de l'Empire du milieu. Un expert de l'Académie chinoise des sciences a, sous couvert de l'anonymat, confié au journal coréen JoongAng Ilbo que selon lui, "seulement 10% des poussières fines provenant de Pékin pouvaient voyager à une haute altitude dans l'atmosphère et atteindre la Corée du Sud".
Pour les Coréens, nul doute que c'est la Chine le premier responsable de la pollution en Corée du Sud. Mais selon une recherche menée conjointement par l'Institut national de recherche environnementale et l'agence gouvernementale américaine National Aeronautics and Space Administration (NASA) entre mai et juin 2016, 52% des polluants atmosphériques provenaient de Corée du Sud, tandis que 48% étaient imputables à des facteurs externes, dont environ 34% provenaient de Chine.
Extrait du rapport en coréen publié en juillet 2017 : "KORUS-AQ 기간 동안(2016.5.2~6.12) 서울 올림픽공원에서 측정된 미세먼지(PM2.5)의 기여율은 국내 52%, 국외 48%로 나타났으며, 국외의 경우 중국내륙 34%, 북한 9%, 기타 6%로 분석되었다. 국내 영향으로도 세계보건기구(WHO) 일평균 미세먼지(PM2.5) 권고기준인 25㎍/㎥을 초과하는 날들이 확인되어, 다양한 국내 대책이 중요한 것으로 확인되었다."
Une autre analyse menée mensuellement entre 2015 et 2017 par l'institut de recherche environnementale est un peu moins précise : sur cette période, les poussières fines qui proviennent de l'étranger le sont entre 19 et 67% des cas avec une origine chinoise dans 30 à 40% des cas. D'un point de vue local, il ne faut pas oublier la concentration de véhicules diesel dans la capitale Séoul : le nombre de voitures roulant au diesel est passé de 6,76 millions en 2012 à 9,65 millions en 2018, une augmentation de 42% en 6 ans ! Les moteurs diesel comptent pour près de la moitié du parc automobile sud-coréen en 2018 : 42.6%.
La pollution devrait être évacuée mardi après-midi lorsque des vents frais du nord viendront baisser les températures et repousser les poussières fines. Mais ce ne sera que passager car les prévisions sont à nouveau catastrophique pour la suite de la semaine. Au niveau national, le ministère de l'environnement a demandé aux centrales thermiques de réduire leur activité à 80% de leurs opérations.
Un nouveau système de captation et de mesure de la pollution par système optique a également été développé par l'institut national de recherche environnementale. Une méthode qui s'appuie sur l'analyse de l'opacité des poussières via des photos et des vidéos prises par des smartphones et des drones. L'application Dustsee (publicité ci-dessous) montre via la technologie de réalité augmentée à quel point l'air est pollué chaque jour en Corée du Sud (télécharger sur Google Play) .
Depuis novembre 2018, les administrations locales de Gyeonggi, Incheon et Séoul (soit 20 millions d'habitants), avec le ministère de l'environnement, ont décidé de mettre en place une série de mesures dès que le niveau de poussières fines PM2.5 atteignait ou dépassait les 50μg/m³ dans deux des trois régions : arrêter les opérations de plusieurs centrales thermiques, limiter le nombre d'anciens véhicules diesel en circulation et interdire l'accès à ses villes pour la moitié des véhicules de fonctionnaires.
Pendant ce temps, en Inde, les taux de particules dans l'air dépassent les 300 et les piétons masqués ne courent pas les rues, paraît-il. Un simple grog en fin de journée leur permettrait de subvenir à la pollution ambiante.
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