Un réaménagement de quartier qui tourne mal
11 janvierQue se passe-t-il à Ahyeon ? Ce quartier de Mapo est en plein réaménagement depuis maintenant 5 ans. Après le développement du complexe d'appartements en 2014 qui compte près de 4 000 foyers, Mapo Raemian Prugio (Raemian appartenant à Samsung C&T Corporation et Prugio à Daewoo E&C), à la jonction de la route de Mapo (qui rejoint au pont de Mapo) et de la route de Sinchon (qui rejoint au carrefour de Sinchon).
Puis des appartements e편한세상신촌아파트 Sinchon et ses 1910 foyers (appartenant à Daelim) suivi des appartements Ahyeon Subway Station Prugio (940 foyers), juste de l'autre côté de la route de Sinchon. Aujourd'hui, deux grands parcs immobiliers sont en construction dans le même secteur : Mapo Prestige Xi (GS E&C) qui ouvrira les portes de ses 1694 foyers en mars 2021 et un autre parc, dont le nom n'a pas encore été décidé, et qui verra sortir de terre 1 420 foyers, des appartements signés SK E&C.
Et c'est sur ce dernier parc immobilier que la ville de Séoul fait face à la colère des habitants. Si les refus de se reloger ailleurs sont fréquents lors d'un projet de réaménagement de quartier, il semblerait que sur cette zone de Séoul (quartier de Ahyeon zone 2), les citoyens soient plus tenaces qu'ailleurs. Et que, du coup, la mairie de Mapo passe par d'autres moyens pour faire évacuer les habitants réfractaires. La pression est telle que les habitants de ce quartier, très pauvre d'origine, menacent de se suicider. Des menaces qui ont été transformées en acte pour un jeune homme de 37 ans, Park Jun-kyung, qui a mis fin à ses jours en sautant dans le fleuve Han le 4 décembre dernier.
Alors qu'il vivait avec sa mère en location dans une petite maison de ce quartier de Ahyeon, ils ont été forcé de quitter leur logement en septembre dernier. Les deux sont partis vivre dans une maison vacante du quartier pendant trois mois, un logement temporaire voué à la démolition le 30 novembre. Dans une note retrouvée après son suicide, Park, qui a passé les trois premiers jours de décembre dans la rue alors qu'un froid polaire s'abattait sur Séoul, espérait que son geste permettrait à sa mère de trouver un logement plus facilement.
Quartier de Ahyeon, Zone 2 |
Bien entendu, la ville de Séoul a annoncé hier qu'après un accord entre le syndicat et le comité représentant les familles expulsées du quartier, la mère de Park serait compensée financièrement afin de couvrir les frais de cérémonie mortuaire et d'apporter une aide supplémentaire. La mairie de Séoul et du quartier de Mapo offriront également un logement à la mère de Park.
"Park et sa mère ont été gravement meurtris lors de cette expulsion de leur domicile" a déclaré Lee Kwang-nam, chef du comité de quartier, lors de la cérémonie funéraire à la mémoire de Park le 15 décembre dernier. Une plainte a été déposée contre les dirigeants du syndicat de réaménagement de la zone et les auteurs de l'expulsion. Un fonctionnaire du bureau de Mapo-gu en charge du projet est également visé pour manquement à ses devoirs.
La ville de Séoul a lancé une investigation concernant le bureau concerné à la mairie de Mapo ainsi qu'au sein du syndicat de réaménagement du quartier, afin de déterminer si, oui ou non, des lois ont été enfreintes pendant le processus d'expulsion. À n'en pas douter, une ou deux têtes vont sauter et le projet va se poursuivre comme si de rien n'était. Le malheureux Park, tout comme sa maman, seront oubliés et les pelleteuses continueront à avancer dans le quartier, ravageant et détruisant d'anciennes maisons. À l'heure actuelle, encore trois familles refusent de quitter le quartier, malgré l'aide au relogement apportée par le syndicat.
Habitant moi-même le quartier depuis maintenant 4 ans, et passant chaque matin le long de cette zone "morte", il n'est pas difficile de comprendre les moyens utilisés par le quartier de Mapo pour faire évacuer les familles habitant à Ahyeon. Alors que des échafaudages ont été installés sur tous les bâtiments en bordure de la zone de redéveloppement, dans l'un deux, une petite ouverture avec, dans une ancienne échoppe (un ancien coiffeur), une poignée d'hommes de 25 à 40 ans, dépassant tous le mètre quatre-vingt et les 100 kilos, des "gorilles" qui effraient les habitants des quartiers luxueux alentours.
Ils sont là, tous les jours, à ne rien faire, assis derrière des ordinateurs en train de jouer ou à fumer à l'extérieur du bâtiment délabré. Les trois familles auront fort probablement à faire à eux si elles persistent à na pas vouloir partir. L'autre jour, en passant, un homme menaçait de se suicider après avoir grimpé à main nue en haut d'un échafaudage de ce quartier sur la route de Sinchon. Séoul détruit son passé, se réaménage tant bien que mal et au profit de qui, et désormais compte ses morts.
En savoir plus sur le site de la politique de réaménagement urbain de Séoul (en anglais)
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