Corée du Sud : un pays ultra-connecté et ultra-contrôlé
25 févrierDeux enquêtes menées par l'institut de développement de la société d'information et le ministère des sciences et des technologies de l'information et de la communication publiées simultanément ce dimanche permettent d'en savoir un peu plus sur les tendances en matière d'Internet et de téléphonie dans la quatrième économie asiatique. La première portait sur la possession de matériel de télécommunication par les Coréens et a été menée auprès de 4 116 foyers soit un total de 9 332 coréens.
Et la première information que l'on peut en ressortir, c'est que les téléphones mobiles prennent totalement le dessus en matière de communication. Seulement la moitié de la population interrogée (51.9%) avoue posséder un téléphone fixe dans leur maison. Si les statistiques ne sont comptabilisées que depuis 2011, il est étonnant de voir à quelle vitesse ce taux à diminuer.
Avec 77.9% lors de la toute première enquête, le taux de personnes possédant une ligne fixe a chuté de 10,8 points en 2013 (67.1%), avant de passer pour la première fois sous la barre des 60% en 2017 avec 55.2%. En seulement une année, c'est donc une chute de 3,3 points de pourcentage.
Si les téléphones fixes ne sont plus vraiment tendances, d'autres appareils sortent du lot : 27% des interrogés indiquent posséder un ordinateur portable dans leur maison (+0.4% par rapport à 2017) et 8.4% un pc hybride (tablette-pc) soit 0,9 points de plus que l'année dernière. En termes de téléphonie mobile, là encore, les chiffres sont impressionnants : parmi les sud-coréens âgés de plus de 6 ans interrogées, 95.8% possèdent un téléphone mobile et dans 90.9% des cas, c'est un smartphone. Avec un taux de pénétration d'Internet à 96%, pas étonnant.
Et si en 2011, les Coréens passaient quotidiennement en moyenne 13 minutes "au bout du fil", comme on dit, ils ne passent plus que 5 minutes et 35 secondes à téléphoner sur une ligne fixe. À l'inverse, évidemment, ils passent beaucoup plus de temps à téléphone avec leur appareil mobile : 1 heure et 56 minutes, soit presque une heure de plus qu'en 2011. Les Coréens sont connectés à leur réseau d'une autre manière que par le téléphone : grâce aux réseaux sociaux pour lesquels près de la moitié de la population avoue être connectée (48.2%, soit +2.4% par rapport à 2017).
L'enquête du ministère des sciences et des technologies de l'information portait sur 25 000 foyers, soit un total de 59 970 personnes. Elle a permis de révéler que 91.5% des sud-coréens étaient connectés, soit une augmentation de 1.2% par rapport à 2017, et que 95.3% d'entre eux passaient du temps sur Internet au moins une fois par semaine. En moyenne, les Coréens passeraient ainsi 16 heures et demi sur la toile chaque semaine.
En termes de population connectée, que ce soit les Xennials (1977-1983), les Millennials (1984-1995) adolescents ou la génération Z (1995 à 2010), donc en gros de 10 à 39 ans, 99.9% est sur Internet ! Les quadragénaires ne sont pas trop à la traîne puisqu'ils sont 99.7% à être connectés, idem pour les quinquagénaires avec un 98.7%.
Les sexagénaires sont incroyablement nombreux à être sur Internet d'après ce rapport : 88.8%, très loin des 69.8% recensés en 2008. Et pour se contacter, 95.9% des connectés utilisent les services de messagerie instantanée, et parmi eux 62.1% utilisent les emails et 62% utilisent Internet pour acheter des produits.
Un pays extrêmement connecté et appareillé donc, mais qui commence à souffrir du contrôle constant d'Internet. Un phénomène pas nouveau mais qui agace. En particulier sur la pornographie. La Corée du Sud est connue pour interdire l'accès aux sites de pornographie. Si peu de voix s'étaient faites entendre jusqu'à présent, les choses bougent depuis l'interdiction lundi dernier par la Commission coréenne des communications (KCC) pour l'accès à 895 sites pornographiques, même les sites dits sécurisés (HTTPS).
Si la commission en question souhaite interdire l'accès aux contenus pour adultes mais aussi aux paris en ligne (interdit en Corée du Sud, tout comme l'accès aux casinos), elle joue surtout sur la crise sociétale débutée en 2018 qu'a engendré le mouvement #MeToo et les molkas, les caméras cachées qui filment les femmes. Pour beaucoup, l'interdiction à la pornographie n'est qu'un moyen pour la commission de mieux contrôlée Internet en imposant une censure et en surveillant chaque individu.
Une manifestation aux chandelles s'est tenue samedi devant Seoul Station et une pétition sur le site du palais présidentiel a reconnu plus de 200 000 signatures. Un nombre élevé qui a obligé la KCC a publié un communiqué officiel dans lequel elle indiquait que cette nouvelle politique ne permettrait pas de faire de la surveillance de personnes sur Internet... pas de quoi convaincre les signataires et opposants à la nouvelle interdiction. Surtout que d'un point de vue légal, les termes "pornographie" ou "obscénité" ne sont pas pas clairs.
En Corée du Sud, la loi punit les personnes qui créent et distribuent des contenus (vidéos) pornographiques jusqu'à un an de prison ou 10 millions de wons d'amende (environ 8 500 euros) ainsi que les personnes qui photographient les parties du corps d'une personne sans son consentement jusqu'à 5 ans de prison ou 10 millions de wons d'amende.
Même topo pour les personnes écrivant ou dessinant des contenus sexuellement offensifs et pour la pédophilie (que ce soit à caractère commercial ou non-commercial) qui condamne à 10 ans de prisons pour création et diffusion de contenus, et 1 an de prison ou 20 millions de wons d'amende (environ 17 000 euros) pour les personnes possédant des contenus de ce genre.
Par contre, aucun motif juridique ne permet de punir ceux qui regardent ou stockent de la pornographie lorsqu'il s'agit de contenus ne comprenant que des adultes. Raison pour laquelle interdire l'accès à ces sites en ligne pour regarder ou collecter des contenus est tout simplement considéré comme une violation grave de la liberté individuelle. « Punir les adultes qui regardent ou stockent de la pornographie, sans aucune base légale, peut entraîner un problème social considérable », déclare ainsi un avocat. « Un consentement social et des normes juridiques doivent être mis en place pour prévenir le chaos entourant la pornographie ».
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