COVID-19 : analyse détaillée de la stratégie sud-coréenne (partie 1)
10 novembreAfin de mieux comprendre pourquoi la Corée du Sud arrive à gérer correctement la pandémie du COVID-19 depuis le début de l'année et afin de démonter les dires de certains "experts" ou "médias" qui utilisent le confucianisme comme simple explication à la réussite du pays du Matin clair, voici une analyse basée à la fois sur le suivi quotidien de la crise de Bienvenue en Corée du Sud disponible sur ses réseaux Facebook et Twitter et sur le rapport de gestion de la crise sanitaire proposé par le gouvernement sud-coréen.
Cette première publication étant un peu longue, elle se décompose en plusieurs grands chapitres :
1. Du 20 janvier 2020 à aujourd'hui
2. Analyse de la réactivité du gouvernement
3. Tester, Tracer, Traiter
4. Le contrôle des frontières
5. Les mesures de prévention dans la vie quotidienne
Une seconde publication, en cours de rédaction, abordera prochainement les mesures prises par l'administration Moon sur le plan de l'éducation, de l'économie et de l'ère post-COVID-19.
1. Du 20 janvier 2020 à aujourd'hui
Sur le plan international, l'Organisation mondiale de la santé lance le 30 janvier sa sixième urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) depuis 2005. Un peu plus d'un mois après, l'OMS passe en mode "pandémie" (11 mars). Petit retour en arrière : lors de la crise sanitaire du H1N1 en 2009, la pandémie a été déclarée lorsque 28 000 personnes dans 74 pays ont contracté cette grippe. Cette fois-ci, l'organisation aura attendu 126 000 patients dans 114 pays pour parler de pandémie.
En Corée du Sud, le premier cas, une touriste chinoise, est identifié le 20 janvier 2020 et illustre d'ores et déjà la stratégie sud-coréenne qui deviendra un modèle pour de nombreux pays. Cette patiente est identifiée dès son arrivée à l'aéroport international d'Incheon : rapide et efficace à la fois. La première étape de gestion du nouveau coronavirus se déroule du 20 janvier au 17 février. Durant ce petit mois, 17 patients de l'étranger et 13 avec qui ils sont entrés en contact sont identifiés comme porteur du SRAS-CoV-2.
La crise commence alors sérieusement dans le pays du Matin clair qui devient le deuxième pays le plus touché après la Chine. Du 18 février au 5 mai, l'épidémie se répand principalement dans le sud-est du territoire, plus précisément à Daegu et dans sa province, le Gyeongsang du Nord, où la secte Shincheonji organise des réunions malgré les règles de prévention. Durant trois mois et demi, la Corée compte 138 nouveaux cas par jour, soit 10 774 patients dont 10,1% sont des cas importés. La ville de Daegu est en quasi-lockdown, le modèle de Wuhan en confinement total étant à ce jour le seul existant.
Très rapidement (23 février), Séoul passe son niveau d'Alerte aux maladies infectieuses du niveau 3 au niveau 4, le plus élevé, et introduit dès le 29 février des mesures de distanciation sociale, renforcées à peine un mois plus tard (22 mars). Les mesures de restrictions d'entrées sur le territoire se multiplient, au fur et à mesure que le COVID-19 se répand partout autour du globe. Des mesures d'entrée spéciale sont appliquées à la France, à l'Allemagne, à l'Espagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas le 15 mars, après et avant d'autres initiatives du même genre. Le gouvernement régit également la production/distribution des masques, avec des quotas de distribution en pharmacie à hauteur de 2 masques par personne par semaine en fonction du dernier chiffre de l'année de naissance des citoyens (ceux nés une année se terminant par 1 ou 3 peuvent venir retirer des masques le lundi par exemple, une solution pour éviter les queues interminables devant les pharmacies et les ruptures de stocks).
Après un pic à 909 cas le 29 février, la propagation est progressivement contenue pour retomber sous le seuil des 100 par jour le 15 mars. C'est également à partir de cette date que le nombre de patients guéris, testés négatifs et sortis des centres de soins, repasse au-dessus des nouveaux cas confirmés. La grande rentrée scolaire, qui était prévue début mars (et non septembre comme en France), a été annulée et est finalement organisée le 9 avril avec différentes phases (vidéo, présentiel, télévision en fonction des niveaux).
Entre le 30 avril et le 6 mai, la Corée du Sud ne compte que 3 cas identifiés localement et 42 importés. Malheureusement, le "week-end doré", 6 jours de congés provoqués par une série de jours fériés combinés au week-end, qui s'étalent du 30 avril (anniversaire de Bouddha) au 5 mai (jour des enfants), provoquent une vaguelette. La période du 6 mai au 13 août, soit très exactement 100 jours, est le troisième stage de l'épidémie sur le plan national. 3 969 cas sont identifiés sur cette période, soit une moyenne de 39,6 cas par jour.
Tout part, d'après les autorités sanitaires, du quartier d'Itaewon, lieu branché de la capitale où les jeunes se retrouvent dans des clubs. Forte proximité, lieux peu ou pas aérés, port du masque non assuré, listes de clients faussées... tous ces indicateurs justifient une propagation rapide du virus, non seulement dans la région de Séoul mais aussi en province. Résultat : des clusters se forment en boîte de nuit, dans des plateformes logistiques, des centres d'appels, des églises, des sociétés de vente par cooptation en porte-à-porte, etc.
Autre particularité de cette période : le bond considérable des infections qui ont eu lieu à l'étranger. Un total de 1 493 cas importés sont identifiés, soit plus d'un tiers des contaminations sur ces 100 jours (37,61%). Les autorités intensifient les mesures de contrôle des frontières.
La deuxième vague émerge le 14 août et s'étend jusqu'à fin septembre, avant une période de contrôle depuis le début du mois d'octobre et un retour au niveau 1 de la distanciation sociale dans tout le pays (11 octobre). Cette quatrième période d'infections débute via différents clusters (églises, centres d'appels, hôpitaux, centres de soins pour personnes âgées, écoles, etc.) à travers toute la région métropolitaine (Séoul, Incheon et la province de Gyeonggi), qui représente environ 26 millions d'habitants, soit la moitié de la population du pays. La secte Sarangjeil est particulièrement visée, avec son pasteur ultra-conservateur qui mène des manifestations le week-end du 15 août sur la place Gwanghwamun, en plein cœur de la capitale.
Entre le 14 août et le 22 septembre, la Corée du Sud enregistre une moyenne de 214 cas par jour avec un pic à 441 le 27 août. Les autorités sanitaires passent au niveau 2 sur 3 de la distanciation sociale dès le 23 août, puis à un niveau 2 renforcé pour la région métropolitaine, fortement touchée, du 30 août au 13 septembre. Le gouvernement se félicite de la participation active de la population à ces mesures de distanciation qui permettent de réduire la courbe rapidement. Le nombre de cas quotidien repasse sous les 100 le 20 septembre. Il est en moyenne, entre le 20 septembre et le 9 novembre, à 91 positifs par jour.
Alors que la grande fête traditionnelle de Chuseok, jour des moissons, approche, du 30 septembre au 1er octobre, le gouvernement prolonge les mesures de prévention strictes (en annulant par exemple la gratuité des péages durant cette période) et invite la population à passer cette célébration à distance, en évitant de rendre visite aux familles en campagne, qui sont en plus des personnes à risque. Lors de Chuseok, les familles se retrouvent généralement à 10, 20 ou 30 personnes dans des petits appartements pour manger ensemble et rendre hommage aux ancêtres.
En France, cela pourrait être comparé à demander aux Français de rester chez eux pour Noël en passant le réveillon en vidéoconférence avec leurs parents et grands-parents. Les sud-Coréens ont été nombreux à suivre ce conseil et aucune vague n'a eu lieu ensuite. À réfléchir.
2. Analyse de la réactivité du gouvernement
L'administration de Moon Jae-in n'y va pas par quatre chemins. Dès le début, le gouvernement se fixe quatre objectifs : prévenir la propagation de la maladie, protéger la santé de la population, garder une société et une économie ouverte, et permettre la vie quotidienne de continuer. En gros, une balance entre contenir la propagation (et non pas supprimer le virus comme d'autres pays ont cherché à faire, en vain) et maintenir le fonctionnement de la société.
Pour atteindre ces objectifs, quatre grands principes ont été posés sur la table :
- Ouverture : garder les frontières et la société ouverte sans imposer d'interdiction d'entrée et de mesures de confinement général.
- Transparence : divulgation complète et rapide des données sur les tendances mondiales et nationales du COVID-19, ainsi que des informations sur les décisions et stratégies gouvernementales.
- Engagement civique : mettre en œuvre des politiques basées sur une communication claire et la participation citoyenne.
- Innovation : régler les problèmes de manière créative et apporter des réponses résilientes et flexibles.
Au cœur de cette stratégie, la fameuse réponse par les 3T : TESTER, TRACER et TRAITER. Une expérience intégrée au sein même de l'exécutif et de la population, qui ont su tirer les expériences du passé (le SRAS en 2003 puis le MERS en 2015), en créant une vaste infrastructure de santé publique, en s'appuyant sur des technologies avancées de l’information et de la communication et sur une capacité administrative intégrée du gouvernement. Ces éléments réunis ont permis de produire un système dynamique et en constante évolution pour lutter contre la pandémie du COVID-19 dont l'évolution est extrêmement rapide.
Le Centre de contrôle et de prévention des maladies (KCDC) a vu le jour en 2004 et est devenu une prolongation de l'ancien Institut national pour la Santé. La nécessité de sa création et de ses ajustements a été déployée suite à la confusion des décisions politiques lors de la crise du SRAS, puis celle du MERS 12 ans plus tard. De nombreux changements institutionnels et légaux ont vu le jour après le MERS pour donner une plus grande autorité et autonomie au KCDC. Et des lois ont été votées pour favoriser les collaborations public-privé, autoriser l'utilisation en urgence de kits de dépistage et de traitement, et permettre aux autorités sanitaires de collecter les données sur le traçage des individus infectés.
Autres points importants : d'une part, la population a le droit d'avoir un accès précis et planifié aux informations afin de pouvoir gagner un engagement civique et sa participation aux opérations bénévoles, et d'autre part, il s'agissait d'établir une meilleure entente entre le gouvernement central et les collectivités locales, sachant que ces dernières sont directement sur le front pour traiter et contrôler la propagation. Tout cela a permis de composer les bases de la lutte contre le COVID-19 en Corée du Sud.
À noter que le KCDC est devenu le 12 septembre l'Agence coréenne de contrôle et de prévention des maladies (KDCA), une autorité indépendante capable de définir et exécuter des politiques relatives aux maladies infectieuses et de contrôler les questions budgétaires, de personnel et d'organisation. Pour aider les gouvernements locaux dans leur travail de base sur les maladies infectieuses, des « Centres régionaux de contrôle et de prévention des maladies » ont également vu le jour dans les principales provinces du pays. Ses investissements dans les efforts de recherche et de développement en sciences fondamentales et appliquées seront élargis au fil des mois.
Mais le gouvernement n'a pas fait qu'adapter ces outils sanitaires. Il s'est également renouvelé pour répondre le plus efficacement possible à la crise. Dès que le niveau 4 de l'Alerte aux maladies infectieuses a été enclenché le 23 février, Moon Jae-in a décidé de créer une "approche gouvernementale complète" avec le Premier ministre aux commandes des réunions du Siège central de lutte en cas de catastrophe et de sécurité (CDSCHQ), qui comprend tous les ministres concernés et les responsables des principales villes et provinces. Depuis fin février, le CDSCHQ s'est réuni quasiment tous les jours, à part quelques journées spéciales, comme lors des élections législatives du 15 avril.
Après fin avril, lorsque le nombre de cas a diminué, le Premier ministre a dirigé cette réunion trois fois par semaines, et le ministre de la Santé et du Bien-être social ou d'autres personnalités de haut rang complétant le reste de la semaine. Ces discussions entre le gouvernement central et les autorités locales ont été cruciales pour répondre pro-activement à la propagation du virus et apporter des solutions rapides et efficaces (transfert de patients d'une région à une autre lors du pic épidémique à Daegu et dans sa province).
Le CDSCHQ a ensuite été réorganisé en juin en six groupes régionaux, au lieu de 17 auparavant. Une initiative décidée pour améliorer le système bureaucratique lors des transferts de patients ou la sécurisation de lits d'hôpitaux pour les patients atteints par le COVID-19. Cette stratégie a permis d'activer le siège locale de Gwangju, en juillet et pendant un mois, lors d'une propagation rapide dans cette ville (50 par jour).
Enfin, depuis le premier jour, des points de presse ont été organisés deux fois par jour, par le ministre ou le vice-ministre de la Santé le matin et par la directrice du KCDC et le directeur de l'Institut national coréen de la santé (KNIH) dans l'après-midi. Des communiqués de presse réguliers, qui couvrent un large éventail d'informations, y compris le nombre de cas confirmés et suspects de COVID-19, le nombre de tests effectués, la répartition régionale des cas confirmés, les liens épidémiologiques, le nombre de contacts en quarantaine, le nombre de cas sortis, etc. ont également été délivrés quotidiennement en coréen mais aussi en anglais via des sites adaptés.
3. Tester, Tracer, Traiter (3T)
La désormais bien connue méthode des 3T à la sud-coréenne a fait ses preuves. Le gouvernement coréen a combattu le COVID-19 sans recourir à des verrouillages massifs (confinement local, régional ou national) et en poursuivant une stratégie de réponse systématique, qui consiste en des tests sérieux de diagnostic en laboratoire pour confirmer les cas positifs, en une recherche rigoureuse des cas-contacts pour éviter une propagation ultérieure et en traitant les personnes infectées le plus tôt possible.
D'abord, compte tenu du risque potentiel de transmission du virus par des cas asymptomatiques ou avec des symptômes bénins, l'exécutif a accordé la priorité à la détection précoce de la maladie grâce à des tests diagnostiques préventifs (TESTER) en laboratoire et à des enquêtes épidémiologiques strictes. Au plus fort de la propagation, à la mi-février, les autorités ont utilisé le maximum de la capacité de tests du pays avec près de 20 000 diagnostics par jour. Par la suite, comme de nombreux médias à travers le globe l'ont repris, la Corée du Sud a développé de nouvelles techniques de tests, plus sûrs pour les patients et pour les personnels soignants (station walk-though, Drive-in, etc.). Désormais, le pays du Matin clair est capable de procéder à 90 000 tests par jour à pleine capacité. Mais ce chiffre n'a jamais été atteint. Au pic de la deuxième vague, les autorités ont procédé à 23 669 tests (26 septembre).
Comment la Corée du Sud a-t-elle pu obtenir des tests de COVID-19 aussi rapidement ? C'est très simple. Le gouvernement a rapidement transféré la technologie des tests COVID-19 au secteur privé et a demandé aux fabricants de produire des kits de dépistage de haute qualité. Ceux-ci ont reçu une autorisation d'utilisation d'urgence en un temps record, grâce à une capacité juridique opérationnelle, et parallèlement, l'exécutif a mobilisé les ressources disponibles des laboratoires publics et civiques pour renforcer la capacité nationale de test.
Deuxième étape : les enquêtes épidémiologiques et les auto-confinements (TRACER). Le gouvernement a mis en place et exploité un système de soutien aux enquêtes épidémiologiques pour identifier rapidement les trajectoires des cas confirmés et analyser les modes de transmission. Afin d'améliorer la précision de l'enquête épidémiologique, une recherche des contacts doit être effectuée si nécessaire, dans le cadre autorisé par la loi sur le contrôle et la prévention des maladies infectieuses, en suivant les enregistrements des transactions par carte de crédit, les images de vidéosurveillance et les données GPS des téléphones portables. En coopérant avec la police, les opérateurs de télécommunication et les compagnies émettrices de cartes de crédit, la rapidité du système de traçage a permis aux agents de contacter en moins de 24h les cas contacts.
Tout en prêtant une attention particulière à la protection de la vie privée, les informations trouvées lors de l'enquête épidémiologique ont été rendues publiques de manière anonyme. Les gens ont ainsi pu vérifier par eux-mêmes, via des applications, s'ils avaient rencontré/croisé une personne infectée et ainsi se faire tester si nécessaire.
À noter que le gouvernement a pris soin de protéger et d'anonymiser les informations et données personnelles avant leur divulgation au public, après quelques couacs en début de pandémie. Le CDSCHQ a établi des lignes directrices sur le calendrier des mouvements des cas confirmés et un maximum de 14 jours pour la diffusion des informations accessibles au public. Le pays a d'ailleurs annoncé qu'à partir du 30 décembre 2020, les informations personnelles récoltées, telles que le sexe et l'âge des patients atteints de maladies infectieuses, ne devront plus être divulguées.
Au fil des mois et des situations plus ou moins à risque, la KDCA adapte ou renforce les mesures de prévention. Par exemple, les établissements qui ont enfreint les règles de prévention à trois reprises, comme le port du masque et la gestion des listes de clients par code QR, seront soumis à une suspension d'opération de leur activité pendant 20 jours à partir de 2021 (un avertissement la première fois et 10 jours de fermeture la deuxième fois).
Également dans le traçage, l'auto-confinement permet de limiter la transmission du virus. Tous les cas probables et suspects (symptômes suspects, tester à une station de diagnostic et/ou contact avec un cas confirmé) sont sujets à une quatorzaine à domicile. Cela signifie qu'ils doivent rester enfermés chez eux pendant 14 jours et ne pas avoir de contact avec d'autres personnes. À partir de ce moment-là, des agents prennent contact deux fois par jour avec la personne pour vérifier de possibles symptômes.
Toute une série de mesures a été mise en place pour les personnes en auto-confinement : [1] En cas de violation de la quatorzaine, une amende de 10 millions de wons (7 500 euros) ou jusqu'à un an d'emprisonnement selon la loi sur les maladies infectieuses. [2] Ils doivent rester dans une pièce isolée avec si possible un accès privatif à des toilettes et un évier. Si ce n'est pas possible, il est recommandé de désinfecter cet espace partagé. [3] Ils doivent notifier le centre de soin de leur quartier s'ils ont une obligation de sortir (raison médicale par exemple). [4] Ils doivent éviter de discuter ou d'entrer en contact avec d'autres membres de la famille ou des colocataires vivant sous le même toit. [5] Ils doivent utiliser leurs propres effets personnels (vaisselles, vêtements, literie, etc.). [6] Ils se doivent de suivre les procédures de prévention comme le port du masque, le lavage des mains, l'aération du lieu de vie, etc.
Une auto-surveillance est également la clé de cet auto-confinement. Tous les matins et soirs, les cas confinés doivent prendre leur température, vérifier d'éventuels symptômes, etc. et reporter à un agent. Pour ce faire, une application dédiée a rapidement été développée pour permettre de s'enregistrer en tant qu'auto-confiner, accessible pour tous les arrivants dans le pays (obligatoire).
Beaucoup d'"experts" parlent de la docilité du peuple sud-coréen voire évoque un système dictatorial pour la quatrième économie d'Asie face au traçage, mais trois alternances politiques, deux procédures de destitution contre des présidents dont la dernière a coûté la tête à la présidente Park Geun-hye condamnée à 20 ans de prison ferme, la condamnation de son prédécesseur à 17 ans de prison fin octobre 2020 sont autant d'éléments qui prouvent la vitalité démocratique de la Corée du Sud. Les sud-Coréens semblent plutôt avoir eu peur de ce virus et ont préféré l'auto-défense. Lorsque le traçage est évoqué, on ne pense pas aux personnes traquées, mais plutôt à traquer le COVID-19 dans les moindres recoins du pays.
Troisième étape : le traitement et la prise en charge des patients (TRAITER). Le gouvernement coréen prend en charge les frais de diagnostic et de traitement pour ceux qui répondent aux critères pertinents, encourageant le public à ne pas hésiter à se faire tester pour le COVID-19. Pour les cas confirmés, le coût du traitement est gratuit pour les citoyens coréens et certains ressortissants étrangers. En outre, le gouvernement coréen a pris des mesures pour que les personnes en auto-quarantaine, après avoir été classées comme cas-contact, reçoivent une aide pour couvrir leurs pertes économiques, telles que les frais de subsistance et les congés payés.
Le gouvernement coréen a établi une stratégie pour mettre à disposition des lits d’hôpitaux en fonction de la gravité de l'état des patients, une façon d’utiliser efficacement les ressources médicales limitées dans le pays. Les patients présentant des symptômes sévères ont reçu la priorité en termes de traitement hospitalier et en ce qui concerne la surveillance et le traitement des patients présentant des symptômes légers, des moyens non médicaux tels que les soins au domicile des patients ou via des établissements publics ou privés ont été pleinement utilisés.
Pour bien gérer le traitement des patients, les autorités sanitaires ont procédé à une classification en quatre catégories :
[1] les asymptômatiques : niveau de conscience normal, moins de 50 ans, pas de maladie sous-jacente, température sous 37,5 degrés, non-fumeur
[2] les symptômes légers : au moins un critère précédemment évoqué
[3] les cas sévères : température au-dessus 38 degrés, difficulté à respirer ou diagnostic de pneumonie après un scan CT
[4] les cas critiques : inconscient, importante difficulté à respirer, la saturation en oxygène tombe sous 90%, le scan CT montre une double pneumonie ou les fonctions pulmonaires altérées de 50% ou plus.
En fonction de chaque cas, un système de management des traitements a été mis en place (voir tableau plus haut), ainsi qu'un service de transportation d'un lieu vers un autre (aéroport-domicile, domicile-hôpital, etc.).
4. Contrôler les frontières
Le gouvernement sud-coréen a mis en place une procédure spéciale d'entrée. Elle fait référence à un système servant à bloquer efficacement la propagation du COVID-19 dans le pays grâce à la détection précoce des cas confirmés parmi les voyageurs entrants lors de leur contrôle à la douane. Les agents d'immigration et de prévention vérifient les adresses des lieux où les voyageurs entrants séjourneront et leurs numéros de téléphone à leur arrivée et leur demandent d'installer l'application Self-Check afin de surveiller en permanence les signes de symptômes possibles, afin qu'ils puissent être mis en quarantaine et traités rapidement si nécessaire. Depuis le 1er avril, tous les arrivants sont obligés de suivre une quatorzaine dès leur entrée sur le territoire.
Ce système a été déployé progressivement, au fil de la propagation du nouveau coronavirus à travers les pays. La Chine a été la première concernée le 4 février, suivi de Hong Kong et Macao le 12, du Japon le 9 mars, de l'Italie et de l'Iran le 12 puis de cinq pays européens le 15 : la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Quatre jours plus tard, toute l'Europe était concernée. Sachant que l'OMS a déclaré l'état de pandémie le 11 mars, dès le 19 mars, tous les voyageurs étaient soumis à cette procédure spéciale d'entrée.
Au tout début de l'épidémie, une interdiction d'accès au territoire sud-coréen a été mise en place pour tous les voyageurs en provenance de la province du Hubei en Chine, puis tous les titulaires d'un passeport issu dans cette province, peu importe leur origine de vol, puis de toutes les personnes qui se sont rendues dans le Hubei les 14 jours avant l'arrivée en Corée du Sud. L'administration a ensuite limité les accès aux visas, à commencer par l'accès sans-visa à l'île de Jeju annulé pour tous les étrangers.
Les limitations de visa ont ensuite concerné le Japon, puis le reste du monde avec la suspension temporaire, à partir du 13 avril, des accords d'exemption de visa pour entrer en Corée du Sud avec 56 pays, dont la France, et 35 pays qui ont normalement des accords d'entrer sans visa. En plus de cela, le ministère sud-coréen des Affaires étrangères renforce sa politique d'accès aux visas en invalidant, par exemple, tous les visas de court-terme émis avant le 5 avril par des missions diplomatiques à l'étranger.
Pour simplifier cette analyse, il suffit de comprendre qu'avec la propagation du COVID-19 dans différents pays et à différents stades, et afin de garantir les mouvements de personnels dits essentiels (monde des affaires, diplomatique, sécuritaire, sanitaire) entre les pays tout en empêchant le plus possible l'afflux de cas importés, le gouvernement coréen a adopté une réponse politique à deux volets dans sa gestion des frontières.
La première réponse a été une politique de contrôle des visas étape par étape. Afin de freiner le tourisme et les visites simples qui ne peuvent être considérées comme une entrée pour des raisons absolument nécessaires, la validité des visas existants, des accords d'exemption de visa et des systèmes d'entrée sans visa a été progressivement limitée. En outre, pour empêcher de manière proactive l'entrée de cas suspects ou de personnes présentant des symptômes précoces de COVID-19, tous les demandeurs de visa devaient initialement et obligatoirement soumettre un formulaire de rapport d'état de santé, puis les règles ont été renforcées pour les obliger à soumettre un certificat médical délivré par un établissement médical. Les missions diplomatiques de Corée ont procédé à des examens approfondis qui ont duré plus de 14 jours et n'ont délivré que des visas à entrée unique. Seuls pour les cas essentiels, le gouvernement a autorisé la délivrance rapide de visas pour certaines personnes sélectionnées.
Environ 2,36 millions de visas ont été invalidés et il y a eu une diminution de plus de 80% de la délivrance de visas par rapport à l'année précédente et le nombre de ressortissants étrangers entrant dans le pays a diminué d'environ 81% en glissement annuel. Plutôt que de fermer complètement ses frontières, le gouvernement coréen a cherché à mettre en œuvre une politique de gestion des frontières méticuleuse et "technologique", respectant le principe d'ouverture, selon elle. Même si cela a déplu à grand nombre de jeunes étrangers qui souhaitaient venir en Corée du Sud pour leurs études ou pour rejoindre leur compagne ou compagnon.
La deuxième réponse a été l'utilisation active du système i-PreChecking (IPC) pour refuser l'embarquement à certains passagers considérés comme à haut risque. Le programme, également connu sous le nom d'I-API, relie les systèmes de réservation et de billetterie des transporteurs au système du service d'immigration coréen. Celui-ci filtre automatiquement les informations pour identifier les passagers qui ne sont pas autorisés à entrer en Corée et bloque la délivrance de cartes d'embarquement, empêchant ainsi les passagers à haut risque venant de secteurs clés d'embarquer. Le gouvernement coréen a réussi à bloquer l'entrée d'environ 20 895 titulaires de passeports délivrés par des régions à risque et titulaires de visas invalides au cours des quatre mois d'utilisation de ce système.
Outre les régulations sur les visas, l'accès au territoire sud-coréen se fait selon un certain nombre de conditions, à commencer par une quatorzaine obligatoire et un test de dépistage dès l'arrivée. En raison du nombre croissant de cas importés, le gouvernement coréen a rendu les tests de diagnostic obligatoires pour les voyageurs entrants d'Europe à partir du 22 mars, qu'ils présentent ou non des symptômes, puis pour ceux venant des Etats-Unis le 15 avril et à tous les voyageurs à partir du 11 mai.
En conséquence, les citoyens coréens et les ressortissants étrangers bénéficiant du statut de séjour de longue durée étaient tenus de se soumettre à un test de diagnostic dans les trois jours suivant leur arrivée, et les ressortissants étrangers bénéficiant du statut de séjour de courte durée devaient avoir un diagnostic à l'aéroport dès leur arrivée ou dans une installation fournie par le gouvernement. Dans le cas où un voyageur entrant présente des symptômes, il passe un test à l'aéroport et, s'il est testé positif, il est isolé pour traitement dans un hôpital ou un centre de traitement dédié.
5. Les mesures de prévention dans la vie quotidienne
Cette forme de distanciation sociale implique de s'abstenir d'assister à des rassemblements sociaux et d'entrer en contact direct avec les autres, de s'abstenir de tenir des événements de groupe dans des espaces fermés, y compris des activités religieuses, de surveiller les symptômes 3 à 4 jours avant de se présenter à un dépistage, de retarder la réouverture des écoles et d'encourager les employés à travailler à domicile.
Au fil des mois, la KDCA et le gouvernement ont réajusté l'appellation de cette distanciation sociale avec tout d'abord la « distanciation dans la vie quotidienne », puis la « distanciation sociale renforcée », la « distanciation sociale allégée », la distanciation à 3 étapes, et enfin la distanciation à 5 étapes à partir du 7 novembre pour mieux répondre aux risques de propagation au niveau régional plutôt que national.
La population a participé activement à la distanciation sociale, qui a permis un contrôle efficace des infections sans la fermeture pure et simple des installations ou une interdiction de mouvement. Le public s'est volontairement abstenu de voyager juste après la première vague et a poursuivi cette pratique tout au long de la période de distanciation sociale renforcée. Cela a été prouvé par les chiffres : la part des cas confirmés de COVID-19 dont l'origine de l'infection était inconnue est passée de 19,8% le 6 mars à 6,1% le 31 mars.
Toutes ces mesures ont permis de réguler la vie quotidienne de toute la population à mesure de l'évolution de la propagation du virus. Cela pouvait passer par la fermeture d'établissements considérés comme à haut risque, à l'interdiction de réunion en extérieur ou en intérieur à partir d'un certain nombre de participants, entre autres.
Au niveau de la vie quotidienne, le port du masque a vite été imposé. Et il faut dire que la population y était habituée lors des pics de pollution à répétition de ses dernières années. Mais pas forcément les plus jeunes, qui ont pour habitude de rester dans des lieux clos lors de ces fameux pics. Donc l'argument de "les petits asiatiques sont habitués au masque alors qu'en France, c'est compliqué" ne tient pas vraiment la route. Et il faut dire que dès le plus jeune âge, ils s'y sont habitués en Corée du Sud, car il est obligatoire dans les crèches (hormis lors du déjeuner) et les petits y restent de 9h à 15h30 en général.
Dans les transports en commun, les restaurants, les lieux de vie nocturne et progressivement tous les établissements, le masque est devenu obligatoire. Depuis le 12 novembre, la KDCA a décidé que toute personne qui ne porte pas de masque dans les transports en commun, lors des manifestations ou dans les établissements médicaux et de soins de santé serait passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 100 000 wons (76 euros). De leur côté, les exploitants de ces installations et autres organisateurs de rassemblements sont condamnés à une amende pouvant atteindre 3 millions de wons (2 300 euros) pour ne pas avoir veillé à ce que les clients ou participants se conforment à la règle en vigueur.
Très rapidement aussi, les restaurants ont installé des panneaux en plastique entre chaque table pour maintenir tant que possible la distanciation sociale dans leurs établissements. La distanciation sociale, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, a été adaptée par beaucoup de commerces à la vie quotidienne de la population, pour la rendre la plus normale possible, même si le COVID-19 change bien la manière dont nous vivons et interagissons.
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